Correspondances IX

Cher,

Souvenez-vous des mots dans nos nuits qui nous jetaient les tremblantes poésies d’une symphonie, quand le temps cesse d’être marquage, répétition, mais plutôt étrangeté, oui, cet inconnu totalement inconnu et je vous disais : je viens de naître, ne l’oubliez pas. Je viens de naître dans ce corps d’âge, sans âge. Je viens de naître sans condition, comme n’ayant jamais vécu. Souvenez-vous de cet état. Vous même me disiez que je semblais avoir atterri, sortant de nulle part. Nous avait-on parachuté ? Qui avait d’une main puissante, transplanté deux êtres, depuis deux mondes si différents, en un lieu qui n’était plus un lieu ? Ne vous avais-je pas dit aussi, avec cette gravité due à mon misérable jeune âge, et j’en souris encore : ne voyez pas en moi une femme ? Mon esprit flottait au-dessus du monde depuis des millénaires. J’avais voyagé si loin et ne parvenais plus à revenir. Revenir où, du reste ? Qu’avais-je encore à expérimenter pour que l’on me maintînt ici ? M’effaçant, effacée surtout, je vins vers vous, presque fragilement, délicatement aussi, comme n’y croyant pas. Enfin, j’osais timidement ouvrir notre fenêtre et vous dispenser les mots venus de cet ailleurs. Quand nous nous rencontrâmes, le pont était jeté et deux mondes venaient à se toucher, comme retrouvant leur véritable dimension.

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